jeudi 10 avril 2008

Inferno


Dans la famille sorcière, Mater Suspiriorum est morte à Fribourg. Mater Lacrymarum s'envoie en l'air à Rome, alors intéressons nous ici à Mater Tenebrarum, dont le terrain de jeu est New York




Argento est un maître du cinéma. Il paraît. S'il se consacre généralement à des univers plutôt giallesques, ça ne l'empêche pas de parfois faire des détours dans le fantastique pur et dur. C'est ici le cas avec sa trilogie des Trois Mères. Si la Mother of Tears est décrite comme la plus belle et la plus cruelle, la Mother of Sighs comme la vieille moche qui pue de la gueule (je ne suis pas certain de la traduction), la Mother of Darkness est considérée comme étant la plus effrayante...Un réputation qui sera néanmoins à mille lieues de la réalité.


Si Suspiria ne brillait déja pas par la qualité de son scénario ni par une quelconque crédibilité, il compensait par un univers visuel et sonore parfaits, faisant de ce film une oeuvre bien plus visuelle et auditive que cinématographique. Un roman photo musical avec de très belles photos et une très belle musique en somme. Inferno lui, va encore plus loin dans cette optique: oubliez ici la musique, on n'aura droit qu'aux belles images. Au point qu'il serait presque préférable de regarder le film sans le son, tant la bande sonore est mauvaise, que ce soit au niveau des musiques ou au niveau des bruitages (le miaulement de votre chat vous paraîtra soudain poétique). L'esthétisme est vraiment très soigné, au détriment du reste...Et quel reste! La musique tout d'abord. A l'exception du va pensiero du Nabucco de Verdi, on oscille entre les musiques d'accompagnement des films muets, du rock pourri (genre Queen repris par des hommes-tronc aphones), et des musiques d'ascenceur. Autant dire qu'elles accompagnent très mal les scènes qu'elles illustrent. Certains parleront de "surréalisme", j'opterai pour l'option "excès de stupéfiants".

ce film me reste en travers de la gorge!

Dario Argento, sans doute attiré par un tel challenge, va tout donner pour réussir à offrir des scènes plus ratées encore que la musique. Et, reconnaissons lui ce talent, il va y parvenir le bougre, dans une succession de péripéties plus grotesques les unes que les autres. La première: dans une grande pièce vide, le personnage féminin essayera de récupérer des clés tombées dans le seul trou environnant (déja, c'est la poisse), qui donne directement sur une salle inondée (c'est pas surréaliste, c'est tout simplement con). La demoiselle est championne d'apnée, et passera de nombreuses minutes sous la surface. Détail important: si la scène se passe sous l'eau, les plans sur les clés ont été réalisés au sec, avec juste un bruit de bulles ajouté pour faire illusion! Après une rencontre avec un cadavre en papier mâchés sorti d'on ne sait où, elle parviendra à sortir de l'eau...



Nous nous retrouvons alors dans un amphithéâtre dans lequel est donné un cours de musicologie. ATTENTION, RUNNING GAG ARGENTIEN: "non mademoiselle, ça n'a rien à voir avec la médecine"! Notre attention sera alors portée sur une jeune demoiselle, au regard troublant, qui fait tellement de vent avec ses cheveux qu'elle provoque une mini tempête dans la salle. Ce qui ne semble pas déconcentrer nos braves étudiants. Toujours plus fort, Argento se plagiera lui-même, avouant son manque d'imagination, reprenant la scène du taxi de Suspiria, et des plans classiques chez lui dans la bibliothèque. Manque d'imagination qui sera présent dans absolument TOUTES les scènes. Notamment celle accompagnée de la musique de Verdi. Musique qui devient rapidement le seul interêt d'une scène qui avait pourtant un fort potentiel. Mais à force d'acteurs minables, de chute prévisible et d'effets spéciaux au rabais, elle est encore plus ratée que les autres! Notons d'ailleurs que les témoins des morts ne semblent pas affectés par les horreurs dont ils sont témoins: aucun personnage ne sera surpris ou effrayé par les cadavres qu'il découvrira! Notamment Mark, prototype même de l'acteur de second rang, croisement aléatoire entre un Casper Van Dien et un Viggo Mortensen, il deviendra rapidement le héros du récit, entraînant tout le film dans sa médiocrité.

et moi qui pensais qu'on était déja au fond du trou...

Car le ridicule augmente de façon exponentielle: Dario adore les animaux (ce qui explique pourquoi il tourne beaucoup avec Asia), et va leur réserver des scènes d'anthologie. Un oiseau surgit d'on ne sait où, permettant ainsi de cocher une nouvelle case dans la liste des ingrédients pour faire un nanard réussi. Des chats attaquent une femme et la tue. Pour moi, LA scène essentielle du film. Il faut voir avec quelle violence les chats sont balancés sur l'actrice pour simuler l'attaque, et avec quelle nonchalance ils ressortent du champ, pour être de nouveau balancés par le technicien expert en chats, et ce pendant plusieurs minutes! Impayable! Les pauvres félins seront ensuite transportés dans un sac, bien calmes malgrè les effets sonores tendant à nous faire soupçonner une bagarre (le sac ne bouge pas d'un iota). Le méchant maître sera châtié, dans une scène rocambolesque, par l'association inédite de rats et d'un cuisinier qui passait par là par hasard avec un couteau! Le surréalisme aura une nouvelle fois bon dos.


N'oublions pas la dernière victime, qui mourra brûlée après avoir elle-même fait tomber la bougie qu'elle venait d'allumer sur un tapis, et qu'elle tentera d'éteindre en plongeant son pied au milieu des flammes...Mais c'est pas tout ça: on cherche encore la Mater Tenebrarum. On sait depuis le début qu'elle est là (si si, ya un méchant handicapé qui nous l'a dit!), mais toujours aucun signe. Mark, prenant son courage à deux mains, creusera, rampera, roulera, marchera à travers la maison pour enfin tomber devant la plus terrifiante des Trois Mères. Qui, après avoir papoté rapidement, enfilera un costume d'Halloween bien craignos, fera 3 tours de passe passe (le oinj pour Dario) avant de se cramer toute seule...Si ça c'est pas de la sorcière ultime...D'ailleurs, ce côté sorcière ultrapuissante qui se fait dégommer comme une conne, on le retrouve dans les trois films de la trilogie...tout cela n'était donc qu'un mythe, les trois furies n'étaient que des pétasses peu fraiches psychologiquement (et physiquement pour la mère des soupirs). A l'image du réalisateur donc...Inferno se revele tellement mauvais donc, que finalement, La Terza Madre peut être perçu comme un film vraiment intéressant. Et ça, il fallait quand même le faire...


Trick or treat?

2 commentaires:

CAMIF a dit…

Le problème c'est qu'il n'y a absolument pas lieu de vouloir " intellectualiser " ce film...il faut juste le vivre et accepter de se laisser porter par les images, la musique et le son.
Choses qu'apparement vous fûtes incapables de faire. Et c'est bien dommage.

ste²ve a dit…

Malheureusement, j'ai trouvé que, si les images sont effectivement souvent splendides (enfin, quand il joue avec les couleurs, les plans, les champs et les perspectives, parce que certains scènes sont définitivement cocasses, comme l'attaque des chats :D), ce n'était pas le cas de la musique qui m'a, au contraire de Suspiria, plus énervé qu'autre chose. Et c'est rare chez un Argento que cet aspect me déplaise autant...